Auger Gaillard

Responso d'uno domaisello

Mon amourous, ieu soy fort en fatiguo
D'uno causo : ieu cal que lo vous diguo :
Disou qu'ey dich que n'es pas ma deviso
Vostro barbo, per so quant es trop griso.

Si ieu l'ey dich, qu'un estroun ieu pousquo estre,
Et que cent porcs me trouboun en campestre,
Que fous farsit de clesques de cireyo,
Al miech d'un cam tornegeat de falguieiro.

Si ieu l'ey dich, forniero l'on me fasso.
Et que lou nas que porti à la fasso,
El fous tan gros coumo uno grosso pero,
Et que fous fach de burre ou de cero.

Si ieu l'ey dich, qu'uno lebre ieu fousso,
Et detz lebriez me baillessou la cousso
Al miech d'un cam de millo sestairados,
Ses un boissou, sonque tout en arados.

Si ieu l'ey dich, que ieu fous capitany
De cent fennos vestidos de fustany,
Et ieu calguez que los metez de renguo,
Et garda los de boulega la lenguo.

Si ieu l'ey dich, que siringuo ieu fousso
Del cresteri, ou per lou mens lo bousso,
Et que mon nas el fous la caramello,
Per mettre al quioul de qualque doumaisello.

Si ieu l'ey dich, que ieu sio uno poullo,
Que dets regats me trouvou touto soulo
Dedins un prat tournegeat de muraillo,
Et l'on m'aguez coupados los dos allos.

Si ieu l'ey dich, que ieu sio uno pinto
D'un bon vi blanc de razins de Corintho,
Qu'on me baillez, à fauto d'autro mestre,
A Peluffet (1) per esse moun sequestre.

Si ieu l'ey dich, que ieu sio pla cargado
An miech quintal de poudro de granado,
Vous me metets lou foc à la culasso
An vostre nas qu'es fach de bouno grasso.

Si ieu l'ey dich, quant ieu sio maridado,
Lou meou marit el me tenguo embrassado
Touto la nech dedins calque bel linge,
Et qu'el foures ta couoti coumo un cinge.

(1) ivrogne notoire ... d'après Auger Gaillard.

(Fr) Réponse d'une demoiselle

Mon amoureux, je suis excédée d'une chose ;
Il faut que je vous la dise :
On m'accuse d'avoir dit que je n'ai pas le béguin
Pour votre barbe, parce qu'elle est trop grise.

Si je l'ai dit, puissé-je être un étron
Et que cent porcs me trouvent dans la campagne,
Qu'il soit farci de noyaux de cerise,
Au milieu d'un champ entouré de fougères.

Si je l'ai dit, que l'on me mette à enfourner,
Et que le nez que je porte au visage,
Soit aussi gros qu'une poire
Et fait de beurre ou de cire.

Si je l'ai dit, fussé-je un lièvre,
Et que dix lévriers me poursuivent
Au milieu d'un champ de mille séterées,
Sans un buisson, tout en terres cultivées.

Si je l'ai dit, fussé-je capitaine
De cent femmes vêtues de futaine,
Et qu'il me faille les mettre en rang
Et les empêcher de remuer la langue.

Si je l'ai dit, fussé-je la seringue
A clystère, ou au moins sa poire,
Et que mon nez soit la canule
A mettre au derrière de quelque demoiselle.

Si je l'ai dit, que je sois une poule,
Que dix valets d'armée me trouvent toute seule
Dans un pré entouré de murs,
Et que l'on m'ait coupé les deux ailes.

Si je l'ai dit, que je sois une pinte
D'un bon vin blanc de raisin de Corinthe,
Et que l'on me confie, à défaut d'autre maître,
A Péluffet pour être mon gardien.

Si je l'ai dit, que je sois bien chargée
De la moitié d'un quintal de poudre de grenade,
Et que vous mettiez le feu à ma culasse
Avec votre nez, qui est de façon bien gracieuse.

Si je l'ai dit, quand je serai mariée,
Que mon mari me tienne embrassée
Toute la nuit dans quelque beau linge,
Et qu'il soit aussi écoué qu'un singe.