Responso d'uno domaisello ...
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Mon amourous, ieu soy fort en fatiguo
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D'uno causo : ieu cal que lo vous diguo :
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Disou qu'ey dich que n'es pas ma deviso
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Vostro barbo, per so quant es trop griso.
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Si ieu l'ey dich, qu'un estroun ieu pousquo estre,
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Et que cent porcs me trouboun en campestre,
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Que fous farsit de clesques de cireyo,
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Al miech d'un cam tornegeat de falguieiro.
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Si ieu l'ey dich, forniero l'on me fasso.
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Et que lou nas que porti à la fasso,
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El fous tan gros coumo uno grosso pero,
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Et que fous fach de burre ou de cero.
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Si ieu l'ey dich, qu'uno lebre ieu fousso,
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Et detz lebriez me baillessou la cousso
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Al miech d'un cam de
millo sestairados,
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Ses un boissou, sonque tout en arados.
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Si ieu l'ey dich, que ieu fous capitany
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De cent fennos vestidos de fustany,
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Et ieu calguez que los metez de renguo,
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Et garda los de boulega la lenguo.
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Si ieu l'ey dich, que siringuo ieu fousso
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Del cresteri, ou per lou mens lo bousso,
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Et que mon nas el fous la caramello
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Per mettre al quioul de qualque doumaisello.
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Si ieu l'ey dich, que ieu sio uno poullo,
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Que dets regats me trouvou touto soulo
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Dedins un prat tournegeat de muraillo,
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Et l'on m'aguez coupados los dos allos.
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Si ieu l'ey dich, que ieu sio uno pinto
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D'un bon vi blanc de razins de Corintho,
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Qu'on me baillez, à fauto d'autro mestre,
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A
Peluffet,
per esse moun sequestre.
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Si ieu l'ey dich, que ieu sio pla cargado
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An miech quintal de poudro de granado,
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Vous me metets lou foc à la culasso
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An vostre nas qu'es fach de bouno grasso.
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Si ieu l'ey dich, quant ieu sio maridado,
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Lou meou marit el me tenguo embrassado
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Touto la nech dedins calque bel linge,
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Et qu'el foures ta couoti coumo un cinge.
Réponse d'une demoiselle ...
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Mon amoureux, je suis excédée d'une chose ;
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Il faut que je vous la dise :
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On m'accuse d'avoir dit que je n'ai pas le béguin
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Pour votre barbe, parce qu'elle est trop grise.
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Si je l'ai dit, puissé-je être un étron
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Et que cent porcs me trouvent dans la campagne,
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Qu'il soit farci de noyaux de cerise,
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Au milieu d'un champ entouré de fougères.
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Si je l'ai dit, que l'on me mette à enfourner,
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Et que le nez que je porte au visage,
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Soit aussi gros qu'une poire
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Et fait de beurre ou de cire.
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Si je l'ai dit, fussé-je un lièvre,
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Et que dix lévriers me poursuivent
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Au milieu d'un champ de mille séterées,
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Sans un buisson, tout en terres cultivées.
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Si je l'ai dit, fussé-je capitaine
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De cent femmes vêtues de futaine,
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Et qu'il me faille les mettre en rang
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Et les empêcher de remuer la langue.
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Si je l'ai dit, fussé-je la seringue
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A clystère, ou au moins sa poire,
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Et que mon nez soit la canule
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A mettre au derrière de quelque demoiselle.
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Si je l'ai dit, que je sois une poule,
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Que dix valets d'armée me trouvent toute seule
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Dans un pré entouré de murs,
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Et que l'on m'ait coupé les deux ailes.
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Si je l'ai dit, que je sois une pinte
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D'un bon vin blanc de raisin de Corinthe,
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Et que l'on me confie, à défaut d'autre maître,
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A Péluffet pour être mon gardien.
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Si je l'ai dit, que je sois bien chargée
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De la moitié d'un quintal de poudre de grenade,
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Et que vous mettiez le feu à ma culasse
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Avec votre nez, qui est de façon bien gracieuse.
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Si je l'ai dit, quand je serai mariée,
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Que mon mari me tienne embrassée
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Toute la nuit dans quelque beau linge,
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Et qu'il soit aussi écoué qu'un singe.