Lou testamen d'un porc
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Un maselié saisis un porc al coulet
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Et ly dis : "Ho gallafretié,
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Ieu te preni per prisounié,
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Car as mangeat lous cauls de l'ort.
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Ieu te condamny à la mort.
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Lou porc.
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Helas, amic, mon compagnou,
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Se vous plai, vous demandi un dou :
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Ieu, se vous plai, serio conten
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De fa un pauc de testamen.
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Tramettez d'aqui à Sant Naufary
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Calquu per cerca un notary.
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Lou maselié y tramet :
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Gougeat, te darey miech testou,
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Vai cerca Mestre Jan Boutou :
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Que vengue gazagna d'argen
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Aicy, per prene un testamen.
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Mestre Jan arrivat el dis al porc :
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Monseigne, ieu soy arrivat ;
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Degus a vous el subornat,
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Per vous fa fa lou testamen ?
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Diguats nous o, noun vengearen.
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Mestre Jean.
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Aicy soy vengut per savé
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A qui dounats vous vostre be.
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Lou porc.
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Ieu douny un bel cambajou
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A Monseignour de Monbetou ;
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A sa mouillhé ieu douny l'autro,
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Mas que son marit no s'en chauto.
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Et peys à Mousur de Lamer
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Voly que ly baillou lou cuer,
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Que l'accoustre coumo d'un buffle :
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Nou pensez pas que ieu me truffe,
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Que jamai ta bel el sera,
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S'el lou sap faire accoutra.
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Ieu voly da al percuraire
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Uno causo que nou val gaire :
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Ieu ly voly douna lou quioul,
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Et dos tripos an de fenouil.
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Al cousinié douny las leaus,
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Que tratte pla tous lous bourreaus
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Que son encauso de ma mort :
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Pauramen me fan mouri à tort.
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Al pourtié ieu douny le cor
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Per tal que n'agio pon de por,
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Se degus vol intra per fosso :
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Encairos que sio une rosso,
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S'el a bon cor, fara trembla
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Toutis lous que voldran intra.
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Al palafrenié, al lacai
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Ieu voly douna, se vous plai,
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Las aureillhos, amai la lenguo,
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Per tal que, quant qualcu lour venguo
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Parla amb els, per lous confondre,
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Ageou lenguo per lour respondre.
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Al falcounié douny lous elz,
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Per tal que, s'el pert lous auzels,
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Lous troubara lou malurous :
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Mai y vezou catre elz que dous.
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Ieu voly douna une cambo
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Al paure Jan, veylet de crambo ;
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Et l'autro douny als tailleurs,
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Per so que no sou que trompeurs :
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Se los lour dave toutos dos,
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Cadun amagario un os,
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Coumo amagou lou velous,
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Quant elis fan lous capeyrous ;
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Pouyrian estre de qui que fousso,
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Qu'en panaran per fa une bousso.
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A Madomaisello la Roquo
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Douny l'aze per fa une cofo,
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Per metre al cap, quant sio al lech,
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Per tal que n'agio frech la nech.
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Item ieu douny à la noirisso
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Un pam et dous detz de salsisso.
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A las autros dous domaisellos
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Douny la couo et las cervellos,
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Per so qu'elos n'an gran besoun :
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De couo ni cervellos n'an poun.
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La testo douny et las dens
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A Augié, souneur d'ensturmens.
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Et voly que, quant ieu morisco,
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Qu'el me souno la romanisco ;
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Et morirey joyosamen,
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Mas qu'el souno son esturmen.
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Item ieu douny al secretary,
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Amai à vous, Mousur notary,
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Ma merdo, ques touto de bren (1)
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Quant me prenets lou testamen.
(Fr) Le testament d'un porc
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Un charcutier saisit un porc au collet
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Et lui dit : Ô goinfre,
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Je te fais prisonnier,
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Car tu as mangé les choux du jardin.
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Je te condamne à mort.
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Le porc.
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Hélas! ami, mon compagnon,
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S'il vous plaît, je vous demande une faveur :
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Je serai content, s'il vous plaît,
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De faire un peu de testament.
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Envoyez d'ici à Saint Nauphary
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Quelqu'un pour chercher un notaire.
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Le charcutier envoie son garçon :
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Garçon, je te donnerai la moitié d'un teston
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Va chercher Maître Jean Boutou :
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Qu'il vienne ici gagner de l'argent
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En recevant un testament.
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Maître Jean, arrivé, dit au porc :
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Monseigneur, je suis arrivé ;
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Quelqu'un vous a-t-il suborné,
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Pour vous faire faire testament ?
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Dites-le nous, nous en tirerons vengeance.
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Maître Jean.
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Je suis venu ici pour savoir
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A qui vous donnez votre bien.
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Le porc.
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Je donne un beau jambon
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A Monseigneur de Montbeton ;
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A sa femme je donne l'autre,
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A moins que cela déplaise à son mari.
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Et puis à Monsieur Lamer
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je veux que l'on donne mon cuir,
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Pour qu'il le prépare comme celui d'un buffle :
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Ne croyez pas que je me moque,
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Car il ne sera jamais aussi beau,
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S'il sait faire préparer le cuir.
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Je veux donner au procureur
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Une chose qui ne vaut guère :
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Je veux lui donner mon cul,
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Et deux tripes avec du fenouil.
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Au cuisinier je donne mes poumons,
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Pour qu'il traite bien tous les bourreaux
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Qui sont cause de ma mort :
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Ils me font mourir misérablement et à tort.
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Au portier je donne mon coeur
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Pour qu'il n'ait pas peur,
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Si quelqu'un veut entrer par force :
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Bien qu'il ne soit qu'une rosse,
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S'il possède un coeur solide, il fera trembler
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Tous ceux qui voudront entrer.
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Au palefrenier, au laquais
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Je veux donner, s'il vous plaît,
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Mes oreilles et ma langue,
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Pour que, lorsque quelqu'un
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Pour les confondre, viendra leur parler,
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Ils aient une langue pour répondre.
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Au fauconnier je donne mes yeux,
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Pour que, s'il perd les oiseaux,
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Il les retrouve, le malheureux :
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Mieux y voient quatre yeux que deux.
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Je veux donner une jambe
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Au pauvre Jean, valet de chambre ;
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L'autre je la donne aux tailleurs,
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Parce qu'ils ne sont que des trompeurs :
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Si je les leur donnais toutes les deux,
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Chacun subtiliserait un os,
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Comme ils subtilisent le velours,
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Quand ils font les chaperons ;
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A qui que ce soit que ceux-ci appartiennent,
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Ils voleront de quoi faire une bourse.
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A Mademoiselle la Roque
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Je donne mon estomac pour faire une coiffe,
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Qu'elle mettra sur sa tête, quand elle sera au lit,
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De peur d'avoir froid la nuit.
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Item, je donne à la nourrice
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un empan et deux doigts de saucisse.
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Aux autres demoiselles
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Je donne ma queue et ma cervelle,
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Parce qu'elles en ont grand besoin :
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De queue et de cervelle elles n'ont point.
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Je donne ma tête et mes dents
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A Auger, joueur d'instruments.
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Je veux que, lorsque je mourrai,
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Il joue la romanisque;
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Je mourrai joyeux,
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Pourvu qu'il joue de son instrument.
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Item je donne au secrétaire,
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Ainsi qu'à vous, Monsieur le notaire,
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Ma merde, qui est toute de son
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Parce que vous recevez mon testament.