Auger Gaillard

Augié à uno veouse

Pesque Dieu a voulgut que la mort rigoureuse
Es vengudo cerqua vostre purmié marit,
Ieu vous vouldrio prega que ieu fous fabourit,
Car ieu desiri fort que siats mon amourouso.

De me refuda mi vous seriats bé minouso,
Quan sabets que ieu ey calque pauc d'esperit ;
Ieu souy b'estat un fat, mas aros souy guerit :
Aquelo malautio n'ero pas dangiarouso.

Vous disez que languets, quan n'abets cap de poul :
Ieu souy donc vostre cas, atambé souy tout soul ;
Et peis sabi souna un pauc del violounc,

Et vous un pauc del lut, amai de l'espineto.
Nou sera pas el bel quan calque cansouneto
Sounaren toutis dous? Nou me refudets dounc.

(Fr) Auger à une veuve

Puisque Dieu a voulu que la mort rigoureuse
Soit venue chercher votre premier mari,
Je voudrais vous prier d'être votre favori,
Car je désire fort que vous soyez mon amoureuse.

Vous seriez bien difficile de me refuser,
Car vous savez que j'ai quelque peu d'esprit ;
J'ai bien été fou, mais maintenant je suis guéri :
Cette maladie n'était pas dangereuse.

Vous dites que vous languissez, pour n'avoir pas de coq :
Je fais donc votre affaire, puisque moi aussi je suis tout seul ;
Et puis je sais jouer un peu du violon,

Et vous un peu du luth et de l'épinette.
Ne sera-ce pas beau quand nous jouerons tous deux
Une chansonnette ? Ne me refusez donc pas.

Responso de ladito domaisello

Augié, vous me disets que fat vous ets estat,
Et que vous ets guerit, so disets, d'aquel mal.
A gran peno jamai guerires coumo cal,
Que toujour pauc ou prou vous nou ne siats gastat.

Per aquo nou pensets de me dourmi ai coustat,
Quan vous seriats, Augié, lou rey de Portugal ;
Se vous ets estat fat, toujour serets aital :
Ieu sabi que jamai nou serets arrestat.

Car touts lous medecis que sou dedins Paris
Disou que d'aquel mal jamai on nou gueris,
Et me voulets fa creire aici qu'ets pla guerit ?

Mas ieu aquo d'aqui nou creirey pas jamai :
Per aquo dounc, Augié, vous pregui s'el vous plai,
De cerqua autre moullhié, et ieu autre marit.

(Fr) Réponse de ladite demoiselle

Auger, vous me dites que vous avez été fou
Et que vous êtes guéri, dites-vous, de ce mal.
A grand peine vous guérirez comme il faut,
Car toujours, peu ou prou, vous en serez affecté.

Aussi ne pensez pas dormir à mon côté,
Quand vous seriez, Auger, le roi du Portugal ;
Si vous avez été fou, toujours vous serez ainsi :
Je sais que jamais vous ne serez normal.

Car tous les médecins qui sont dans Paris
Disent qu'on ne guérit jamais de ce mal,
Et vous voulez faire croire ici que vous êtes bien guéri ?

Cela je ne le croirai jamais :
Aussi je vous prie, Auger, s'il vous plaît,
De chercher une autre femme, et moi, un autre mari.